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Le rôle des politiques municipales, de la flexibilité de la règlementation et de l’implication de la communauté dans le développement durable des villes

La notion de développement durable est relativement récente dans les préoccupations des décideurs et de la population en général. Ce concept a suscité beaucoup d’intérêt dans la sphère publique grâce à la publication de plusieurs livres sur ce sujet dans les années 1960 et s’est ensuite concrétisé par plusieurs actions favorisant le développement urbain en concordance avec les enjeux environnementaux, notamment la création du National Environmental Policy Act aux États-Unis chargé, entre autres, d’évaluer les décisions ayant un impact sur l’environnement bâti. (Brown, 2006) Comme toute nouvelle tendance émergente, plusieurs expérimentations ont été réalisées pour atteindre les objectifs de développement durable. Ceci permet de retrouver, de nos jours, plusieurs quartiers planifiés selon ce précepte. Les organismes mis en place, comme celui mentionné plus haut, ainsi que plusieurs chercheurs ont été intéressés par cette nouvelle façon de planifier l’espace bâti et ont voulu évaluer les processus et les actions entreprises dans ces projets afin de déterminer les réussites et les ratés dans ce domaine. Trois éléments distincts, qui doivent travailler ensemble, semblent indispensables à la réussite d’une orientation de développement durable d’une ville: les politiques municipales, la flexibilité de la règlementation et l’implication de la communauté. Afin de mieux comprendre le rôle de chacun de ces facteurs, le projet de revitalisation des abords de la rivière de Portland sera examiné. Cette analyse nous permettra ensuite de faire des liens avec la situation de la ville de Montréal et d’identifier certaines actions qui pourraient y être entreprises pour améliorer sa situation de design urbain durable.



Les politiques municipales



Si la ville de Portland est souvent citée comme exemple de développement durable, c’est en grande partie causé par la position claire qu’elle adopte sur la question. Les différentes politiques et règlementations portant sur le développement urbain sont orientées sur le développement durable de la communauté favorisant, entre autres, le transport collectif, la mixité des usages et la ville compacte. Ces concepts sont tous issus de la littérature et des recherches effectuées pour valider leur efficacité par rapport à des objectifs d’une ville durable. Cette orientation permet à la ville d’établir ses politiques de développement sur des principes fiables et éprouvés assurant ainsi un meilleur résultat dans l’application du développement durable. (Punter, 2007) Portland est l’une des premières villes à implanter un guide regroupant des lignes directrices pour la conception de son centre-ville. Celles-ci étant bien définies, elles permettent aux agents de développement de disposer d’une base solide sur laquelle prendre leurs décisions par rapport aux projets s’y réalisant.



Pour encourager davantage les acteurs publics autant que privés du développement à suivre les politiques et les lignes directrices d’aménagement durable, il semble nécessaire, pour Punter (2007), que la ville facilite le processus d’approbation du projet et d’allocation des permis en plus de les insérer dans les premières étapes de la concrétisation du projet. Ainsi, de longs et coûteux délais peuvent être éliminés ce qui rend le processus plus attrayant. L’implication des services de règlementations dès le début d’un projet permet de minimiser les chances de devoir réviser les plans d’un projet lorsque ce dernier est prêt à être construit. On peut alors éviter des modifications de conception onéreuses à une étape trop avancée. (Punter, 2007) Cela ne représente généralement pas un problème lorsque la ville possède un bon réseau de communication entre ses divers départements et qu’elle est le promoteur d’un projet. C’est une des raisons pour laquelle le projet de la revitalisation des abords de la rivière de Portland ainsi que plusieurs autres projets se situant dans cette ville n’hésitent pas à prendre la voie du développement durable.



Il va de soi, qu’un tel système, qui vise à être efficace, doit disposer de personnel compétent en la matière pour l’opérer. Cela peut sembler surprenant, mais plusieurs administrations municipales ne possèdent pas d’experts en conception ou en développement durable. (Punter, 2007) Les modifications et suggestions alors proposées pour un projet ne sont pas nécessairement fiables ou basées sur une réflexion éclairée par une connaissance approfondie des enjeux du développement durable. Pour remédier à cette situation, les villes peuvent recruter des personnes formées dans ces domaines ou, comme c’est le cas pour la ville de Portland, former des groupes de consultants experts qui pourront, à l’occasion d’un projet, se réunir et proposer des solutions d’aménagement profitables pour palier aux lacunes d’un projet.



Pour que les politiques de développement durable aient réellement un impact, il doit y avoir une concordance entre celles-ci et les décisions que la ville prend lorsqu’elle est le promoteur d’un projet. (Hagerman, 2007) Cet aspect est très important, selon Punter (2007), pour assurer le développement durable d’une ville. Pour lui, l’administration municipale doit promouvoir cette vision, mais aussi l’endosser pour montrer l’exemple et le plein engagement de la ville dans cette voie. Le projet de la revitalisation des abords de la rivière représentait une occasion pour la ville d’affirmer davantage sa position en agissant comme promoteur et en proposant une planification durable des milieux bâtis. Dès le début du projet, le bureau de planification et la commission de développement de Portland ont orienté le projet vers un environnement agréable pour les piétons, comportant une mixité sociale, des usages et des densités en portant une attention particulière à la revitalisation des espaces verts de la berge. (Hagerman, 2007) Le secteur public place alors clairement sa vision du développement de la ville et agit dans le même sens afin d’encourager les clients et les promoteurs privés à faire de même.



Pour maintenir le développement dans cette voie, la ville doit également être capable de susciter l’intérêt des promoteurs, mais aussi celui des clients au-delà du respect des orientations et des règlementations durables. (Punter, 2007) La ville de Portland a su prendre ce virage en faisant la promotion d’un mode de vie durable à travers ses orientations de développement urbain. Évidemment ce changement de mentalité est un processus long et ardu, mais il peut être facilité par la présence d’infrastructures. L’attention particulière que porte la ville à l’intégration de plusieurs moyens de transport palliant l’usage de la voiture donne la possibilité aux gens de diminuer leur dépendance à cette dernière. En effet, le développement des infrastructures de transports publics et l’attention mise pour créer des quartiers orientés sur les déplacements pédestres font partie des préoccupations premières des nouveaux projets de développement de la ville de Portland, dont celui de la revitalisation des abords de la rivière. (Hagerman, 2007)



Le rôle de la municipalité dans le développement durable à travers ses politiques et différents départements de révision est essentiel pour guider l’évolution de la ville dans ce sens. Il ne faudrait cependant pas que les règlementations soient vues comme une liste à remplir pour obtenir l’approbation ou même la satisfaction de la ville par rapport a un projet. Bien sûr, cela représente déjà un pas en avant comparé à l’inaction mais, une application des principes de développement urbain durable sans considération de la particularité et du caractère d’un milieu augmente les chances qu’ils soient mal intégrés et peu bénéfiques au quartier. C’est pourquoi il est important qu’une certaine flexibilité soit laissée aux designers urbains.




La flexibilité de la règlementation



L’analyse du site et du contexte particulier d’un projet sont essentiels au design d’un environnement urbain réussi qui s’inscrit dans l’histoire du territoire. (Punter, 2007) Ainsi, pour le projet de revitalisation des abords de la rivière de Portland, une analyse spécifique du site a permis aux designers de souligner le caractère portuaire et ouvrier de l’endroit. Ils ont décidé de réhabiliter certains bâtiments plutôt que de les détruire et de réaménager certaines parcelles destinées à l’habitation en parcs. (Hagerman, 2007) Pour ce faire, les designers ont tiré profit de la souplesse de la règlementation de la ville de Portland qui alloue une bonne flexibilité à ce niveau. Celle-ci adopte des règles génériques claires et donne une grande flexibilité quant à l’application spécifique de ces dernières sous forme de recommandations. Il est donc facile pour les designers d’adapter les solutions aux spécificités du site.



Le règlement de zonage de Portland, présente aussi une flexibilité qui permet de l’adapter aux situations particulières. Dans la revitalisation des abords de la rivière de Portland, les designers donnant une partie de la parcelle d’un bâtiment pour un espace public et incorporant des pratiques de conception durable se voyaient attribuer des dérogations permettant une densité plus forte et une hauteur de bâtiment accrue par rapport à ce qui était prescrit dans le règlement de zonage. (Hagerman, 2007) Cette flexibilité encourage le client ou le promoteur à des pratiques durable puisqu’une hauteur de bâtiment ou une densité plus élevée représente souvent pour eux une utilisation plus rentable de la parcelle. (Punter, 2007) Portland adopte également une approche différente au zonage en allouant au promoteur un choix entre différents paramètres prédéterminés. Par exemple, pour s’assurer de conserver le caractère historique d’un endroit, la ville émet des fiches présentant des catégories d’éléments à conserver sur les façades. Le promoteur ou le client a le choix de prendre un ou deux éléments de chaque catégorie pour les intégrer au design du bâtiment. De cette façon, cela permet une adaptation des choix au terrain spécifique.



Cette liberté donnée au designer doit permettre l’innovation. Bien souvent, une règlementation trop sévère brime la créativité du designer et empêche de faire progresser les solutions utilisées en aménagement durable. Il faut également une certaine ouverture d’esprit de la part des organismes d’approbation des projets afin qu’ils puissent accepter qu’un projet de design urbain puisse contrevenir aux règles préétablies tout en étant une solution avantageuse pour le développement durable d’un secteur. (Punter, 2007) La règlementation flexible de la ville de Portland alloue cette liberté et encourage l’innovation.



La flexibilité est un élément essentiel qui doit œuvrer de pair avec les politiques de développement durable et les règlementations pour atteindre un équilibre sain. Cette liberté donnée aux designers leur permet d’être plus créatifs et innovants tandis que la flexibilité des différents codes permet une meilleure intégration et appropriation des règles dans un milieu spécifique.




L’implication des communautés



Le caractère d’un milieu peut être révélé par une série d’analyses, mais la véritable compréhension de ce dernier se retrouve chez les résidents. Il est donc tout à fait logique de rechercher leur opinion sur la transformation de leur milieu de vie. C’est un principe que la ville de Portland a compris et applique dans la forte majorité des projets s’y réalisant. L’implication citoyenne peut varier d’un endroit à l’autre, mais Portland note une haute participation citoyenne aux consultations publiques. Pour le projet de revitalisation des abords de la rivière de Portland, ces dernières regroupaient des experts de tous les domaines touchant au projet en question ainsi que des représentants des quartiers concernés. (Hagerman, 2007) Ces consultations permettent à chacun de s’exprimer sur le plan d’aménagement et de confronter les différentes visions pour atteindre un plan réellement durable et approprié à son contexte. Cette méthode très utilisée à Portland a fait ses preuves et lui a valu une reconnaissance mondiale pour l’excellence de sa pratique de design participatif. (Punter, 2007)



Ces consultations permettent également de sensibiliser la population aux enjeux de l’aménagement durable des communautés et de leur donner un certain pouvoir sur le développement de leur environnement. Les propositions sont donc sensibles à la situation particulière des habitants du quartier et peuvent être mieux adaptées à leurs besoins. (Brown, 2006)

 


La situation de la ville de Montréal



La tendance des consultations publiques pour les gros projets d’aménagement urbain s’est répandue au Québec dans les dernières années. Les grandes villes comme Montréal s’efforcent d’offrir la possibilité aux citoyens de se prononcer sur ses projets. (Brown, 2006) Malheureusement, plusieurs de ces consultations sont peu fréquentées par les citoyens. Ce phénomène peut peut-être s’expliquer, en partie, par la nature plus informative que participative de ces consultations. Dans plusieurs de ces réunions, les citoyens sont invités à écouter la description du projet et peuvent exprimer leurs opinions, mais ces dernières sont peu souvent mises à contribution pour l’amélioration des projets. Certains promoteurs perçoivent encore ce processus, lorsqu’il est requis, comme une étape obligatoire, mais ayant peu d’impact sur le produit fini. Cela dit, ce n’est pas toujours le cas, certains projets prennent à cœur l’implication des citoyens dans la démarche de conception comme ce fut le cas du projet PACTE Myrand à Québec où une équipe transdisciplinaire travailla en forte collaboration avec les résidents du quartier ciblé. Ce type d’approche participative est encore nouveau dans la province et prendra un certain temps à s’établir dans l’esprit des citoyens afin de créer une véritable collaboration entre les acteurs du développement urbain durable et la population. On note par contre un intérêt de la ville de Montréal à avancer dans cette voie à travers le projet du Plan stratégique de développement durable où un processus participatif sous forme de «workshop» comprenant près de 70 partenaires a été largement utilisé. (Brown, 2006)

Certaines lacunes sont cependant constatées du côté de la position de la ville face au développement durable des communautés. Il n’y a pas de politique claire concernant cet aspect et le développement durable est perçu par la ville comme une avenue désirable plutôt qu’un but à atteindre. (Brown, 2006) Cela rend alors l’implantation de stratégies durables difficile et n’incite pas les développeurs privés à intégrer cette notion lors du développement des projets. Une position claire de la ville sur cet aspect est bénéfique selon Punter (2007). Pour mettre en place un système d’approbation qui s’assure de l’implantation de pratique durable efficace au sein des projets, il est nécessaire d’avoir un personnel compétent en conception qui connaît les enjeux du développement durable. Depuis quelque temps, la ville de Montréal tente de se doter d’experts dans ses différents départements reliés au développement urbain, mais ces derniers sont toujours peu nombreux ou sur une base consultative. De plus, il a été noté que les services de règlementations interagissent tard dans le processus de conception d’un projet, au moment où les changements se font difficilement. Une implication accrue et surtout plus tôt dans le processus de développement d’un projet serait bénéfique à une conception durable et à son insertion dans le milieu.


Pour effectuer la promotion du développement durable, il semble nécessaire que la ville adopte une position et des règlementations claires par rapport à cet enjeu. Une certaine flexibilité est également nécessaire afin de permettre une appropriation des règles et surtout une adaptation de ces dernières au milieu spécifique dans lequel elles sont appliquées. L’implication des citoyens est importante dans cet aspect puisqu’ils sont des experts du milieu dans lequel ils habitent. La ville de Portland représente certainement un exemple reconnu mondialement pour ses efforts de développement durable comportant des politiques municipales claires, une flexibilité de leur application et un fort engagement des communautés desquels la ville de Montréal trouverait avantage à s’inspirer.

Références

Brown, D. (2006) «Back to basics : The influence of sustainable development on urban planning with special reference to Montreal», Canadian Journal of Urban Research 15(1) : 99-117



Hagerman, C. (2007) «Shaping neighborhoods and nature : Urban political ecologies of urban waterfront transformations in Portland, Oregon», Cities 24(4) : 285-297

Punter, J. (2007) «Developing urban design as public policy : Best practice principles for design review and development management», Journal of Urban Design 12(1) : 167-202

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