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La culture des villes face à l’eau et leur perspective de durabilité.

Les problèmes menaçant la planète sont nombreux. L’évolution climatique est en marche, et les conséquences de ce phénomène sont déjà palpables et « même si tout est mis en œuvre pour éviter les changements climatiques (...) ces dérèglements sont inévitables. » (Orsenna, 2008).

La réflexion portera, dans le cadre de ce compte rendu critique, sur une problématique environnementale actuelle et sur les nouvelles perspectives de durabilité reliées, entre autres, à la culture des villes quant à leur ressource en eau. Les arguments démontrent que la gestion de l’eau dans les villes est, et sera problématique à l’avenir (Orsenna, 2008). La relation des villes à l’eau est complexe puisque nous avons besoin à la fois de sa disponibilité et d’une protection contre ses impacts potentiels ; trop ou pas assez d’eau peut être dévastateur. Je tenterai de faire un rapprochement entre la réflexion de l’auteur Iain White, sur la problématique entourant la gestion durable de l’eau dans la ville, au questionnement de Richard sur la pérennité de la société qui passe, selon le chercheur, par un équilibre entre la population, ses ressources et l’environnement. Selon White, « l’évolution des climats, des populations et l’urbanisation croissante a créé un besoin intense de prendre des mesures d'intervention adaptées à ce contexte incertain » (White, 2010:21). Le but recherché sera donc de démontrer la relation entre la culture qu’entretiennent les villes à leur ressource en eau tout en tenant compte de leur croissance et de leur développement futur. Une attention particulière sera également portée  à leur perspective de durabilité en cohérence avec la vitesse croissante des transformations environnementales et climatiques.

 

Dans son ouvrage, l’auteur Richard Rogers analyse la culture des villes et leur perspective de durabilité. Architecte issu d’un mouvement moderne influencé par les membres du Bauhaus, Rogers sera longtemps l'un des pionniers de l’architecture moderne. Par contre, ce n’est que lors des années 1970 qu’il démontre un grand intérêt pour le mouvement fonctionnaliste et l’organisation des milieux urbains. Pour lui, la pérennité́ de la société́ a toujours dépendu de l’équilibre entre la population, ses ressources et l’environnement. Aujourd’hui, il démontre toutefois que cet équilibre est précaire et que l’augmentation de la population urbaine mondiale ainsi qu’un mode de vie inadéquat peuvent avoir un impact désastreux sur l’environnement. C’est ce constat qui a poussé l’architecte Richard Rogers à revoir l’organisation des villes futures de manière à ce qu’elles honorent la société́ et respectent la nature.

L’auteur avance, dans son ouvrage, que les bâtiments sont empreints du caractère évolutif des besoins de la société́ et qu’ils devraient servir a enrichir l’espace public, tout en exploitant des technologies durables et non des technologies polluantes. En effet, le besoin actuel en bâtiments durables offre une opportunité́ de renouveau esthétique, mais également fonctionnel. Rogers mentionne que l’architecture est le reflet de la connaissance humaine, dictée néanmoins par le bas de gamme et la construction à profit. Une architecture de fonction favorisera davantage le court terme, contrairement aux technologies durables qui sont profitables à long terme. Toutefois, si l’architecture crée l’environnement, Rogers déplore l’indépendance des bâtiments et leur côté́ non identitaire à la ville. Pour ce dernier, les bâtiments sont ce qui met en valeur l’espace public et incitent à regarder au-delà̀ des limites d’un site. Il mentionne que pour arriver à une architecture durable, il faut se démarquer des idées préconçues afin de laisser place à l’exploitation des nouvelles technologies. Il voit dans la construction de bâtiments et dans l’aménagement urbain réfléchi, le futur d’une architecture d’une durée de vie plus longue et favorable à une meilleure utilisation des ressources de la ville.

On peut également lire dans les écrits de Rogers que «plus les communautés s’agrandissent, plus elles perdent leur cohésion sociale.» (Rogers, 2000) et que, dans cette idée, les bâtiments devraient intégrer certaines lois de la nature afin de revenir à une architecture d’origine. Pour ce faire, les architectes devraient mettre au point des bâtiments qui intègrent des technologies passives durables. Rogers soutient que l’emploi de cette durabilité́ «révolutionnera la forme architecturale» et humanisera les bâtiments futurs. L’auteur préconise la connaissance de ces technologies, de manière « à affiner les aspects de la conception architecturale » (Rogers, 2000:52). Il serait préférable que l’architecture instaure, comme le propose la solution de Rogers, des qualités évolutives, démontrant et favorisant la relation entre le bâti et son environnement tout en exploitant de nouvelles technologies durables. Cela permettrait de renforcer la dimension sociale et environnementale et, de cette manière, réellement enrichir l’espace public.

Pour sa part, l’auteur Iain White examine la problématique entourant la gestion durable de l’eau dans la ville. Urbaniste qualifié et professeur à l’université de Manchester, White a pour principal intérêt l’exploration des questions liées à l’eau et à l’environnement bâti. Il soutient que l’eau est l’élément essentiel au positionnement d’une ville et un facteur important dans sa croissance sociale et économique (White, 2010:190). White démontre, à travers ses écrits, les principaux impacts liés à la gestion durable des ressources dans la ville sur l’aménagement du territoire. Son étude des risques et de cette relation entre l’homme et la nature présente un texte intéressant sur la façon de résoudre les problèmes de l’eau en milieu urbain à l’ère d’une société en plein changement. 

 

L’auteur exprime la nécessité d’intervenir afin de protéger les zones urbaines contre les risques et les futurs impacts naturels. Il partage l’avis de Rogers sur l’opportunité de renouveaux qu’offre le besoin actuel en bâtiments durables, mais suggère également la modification ou l’adaptation de la forme urbaine pour qu’elle soit plus résistante aux changements. Il suggère également une reconfiguration de la relation entre l’environnement bâti et les conditions climatiques environnantes afin de répondre aux nouvelles menaces. Dans son texte, White illustre le niveau de risque et l’incapacité des villes a contrôler les impacts négatifs de l’eau, tels que les débordements et les inondations, en raison des contraintes imposées par l’environnement bâti. Il propose d’intégrer des connaissances et des stratégies d’atténuation aux bâtiments et à la forme urbaine, ce qui permettrait une gestion plus naturelle de l’eau dans la ville et favoriserait un aménagement du territoire durable et viable. Au même titre que Rogers, White préconise l’utilisation des technologies et les connaissances disponibles susceptibles d’enrichir la conception architecturale. Il s’agit d’une adaptation stratégique de l’environnement bâti afin d’être plus naturellement résistant aux conditions environnementales (White, 2010:146). Pour l’auteur, la durabilité et la prospérité des villes reposent principalement sur la nécessité de gérer l’eau. Toutefois, White fait état des crues de ruissèlement urbain et des systèmes d’égout limités. Il mentionne que les techniques classiques de gestion des eaux de surface ne répondent pas aux circonstances actuelles. Il attribue ce manque aux méthodes établies qui sont inappropriées et remet en question le calcul des risques qui devrait, selon White, prendre en considération une gestion plus large de l’eau dans la ville. Cela permettrait d’adapter la forme bâtie et l’environnement à une stratégie efficace et durable à plus long terme.

Par conséquent, l’auteur mentionne que la pérennité et la durabilité de la ville seront analogues à une société démontrant des qualités d’adaptation et de résistance aux dangers de l’eau. Certaines villes devront trouver des solutions pour palier soit à un surplus d’eau ou encore à un manque d’eau. (White, 2010:189). Une compréhension plus élaborée des risques de l’eau permettra, selon l’auteur, de prolonger les politiques d’une simple protection et de mesures d’atténuation d’un bâtiment vers la ville entière. White soutient que la démarche commence à l’échelle des bâtiments et des petits espaces dans la ville. Par conséquent, selon les écrits de White, les villes les plus conscientisées et les plus informées auront plus de chance de mettre en œuvre des mesures de protection, car non seulement les politiciens et les décideurs seront conscients de la situation, mais les données permettront de produire un cadre approprié d’intervention de la gestion de la ressource dans la ville. 


_GROWING VINE STREET

En regard des propos de Rogers et de White qui souhaitent promouvoir une approche durable à l’architecture, certains projets se sont déjà réalisés afin de rejoindre cette vision. Le projet du Quartier Belltown, situé dans la ville de Seattle, est un exemple parfait d’adaptation stratégique de l’environnement bâti vers une planification naturelle de l’eau dans la ville. Le projet propose l’aménagement d’une rue permettant l’enrichissement de l’espace public. La rue transformée apporte un environnement urbain ouvert, intégrant la nature et offrant un accès au secteur riverain de la ville (Voir fig. 1).

_Références

Orsenna, Erik (2008) l’Avenir de l’eau : petit précis de mondialisation II. France: Fayard.
Rogers, Richard Georde.(2000) Des villes pour une petite planète, chapitre 3 Une architecture durable. edited by Philip Gumuchdjian, traduit de l'anglais par Claudine Gilbert et Jean Duriau., Paris : Le Moniteur.
White, Iain (2010) Water and the city : risk, resilience and planning for a sustainable future, chapitre 10- Towards a more sustainable city. New York : Routledge.

Projet:

Growing Vine Street (2004)
Growing Vine Street Revisited,(Novembre 2004), Seattle : Washington.
[En ligne] http://www.growingvinestreet.org/book.html, Consulté le 24-11-2012

​Figure 1 : Schéma d’aménagement de la rue Vine, (Growing Vine Street, novembre 2004)

 

L’une des principales caractéristiques du projet Growing Vine Street consiste à capter les eaux de ruissèlement local et créer un véritable bassin versant qui permet l’écoulement naturel de l’eau vers la baie de Seattle. Le projet propose un aménagement à même la rue, permettant de traiter les eaux pluviales par biofiltration et réduire la charge du réseau de récupération de la ville. Growing Vine Street représente un projet urbain de quartier qui démontre les avantages d’une intégration réfléchie de l’environnement bâti aux défis de la gestion des ressources en eaux dans la ville tel que soutenu par White.

Le traitement de l’aménagement paysager dans le projet joue un rôle essentiel comme mesure de contrôle de la qualité et d’atténuation de l’eau, mais également dans le traitement de la qualité de l’air ambiant et comme consolidation de la communauté du quartier. Le projet propose l’intégration de réservoirs annexés aux bâtiments permettant de recueillir l’eaux des toitures qui coule dans des tuyaux de descente sur la paroi extérieure des bâtiments (Voir fig.2). Ces tuyaux se divisent pour alimenter les réservoirs et créer des petits jardins verticaux à même les tuyaux de  récupération (Voir fig.3). L’eau récupérée sert principalement à alimenter les rigoles, les jardins et une série de bassins ou pour une utilisation ultérieure comme eau d’arrosage. Le projet présente des interventions dans la ville permettant de reconnaitre l’eau comme une ressource importante pour la ville et dans la ville. Le projet se donne comme mission d’encourager la reconnaissance de l’eau comme partie intégrante de nos vies et de valoriser une meilleure utilisation de cette ressource précieuse.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Figure 2 : Citerne de récupération                                                                         Figure 3 : Jardin vertical
Growing Vine Street revisited, novembre 2004

Les auteurs proposent une argumentation logique, faisant appel au mouvement social. Ils tentent de raisonner principalement l’opinion publique et conscientiser la société́ à un déséquilibre entre l’urbanisme, les ressources et l'environnement. Ils complètent leur raisonnement à l’aide de données scientifiques mondiales, reconnues pour renforcer la problématique qu’ils soulèvent. Rogers avance que, dû à la croissance démographique accélérée des villes, il se produira rapidement un déséquilibre entre la population et les ressources, ce qui créera un problème désastreux sur l’environnement. Les préoccupations de l’auteur dans ce texte sont logiques et fondées, puisque nous sommes plus que conscientisés par cette croissance démographique qui est problématique dans plusieurs pays, et surtout dans les pays en voie de développement. White fait état du même problème et mentionne que l’évolution des climats, de la population et de la forte urbanisation a créée une nécessité de gérer les ressources en eau dans la ville. Il met en œuvre, dans son texte, des solutions durables et réalistes pour l’heure actuelle. Il pousse la population à se questionner sur la problématique et sur les conséquences et changements que cela apportera certainement à notre architecture, à notre règlementation, mais également à notre environnement bâti. Pour White et Rogers, seule la planification durable nous permettra de soutenir l’écosystème de notre planète, et cela commence par l’architecture.

Il est possible de se demander si cette durabilité́ tant souhaitée par les auteurs de la ville arrivera à répartir équitablement les ressources et renforcer la cohésion sociale, tout en mettant en valeur cette nouvelle architecture. Je me rallie à Rogers sur ce point pour dire que cette réalité́ sera possible dès lors où nous arriverons à contrôler notre consommation en énergie, qui commence par la connaissance et l’implication sociale. Des projets tels que Growing Vine street permettent de croire qu’il est possible d’obtenir un résultat positif puisqu’ils illustrent une société́ grandissante où population, ressources et environnement sont pleinement en équilibre.


_CONCLUSION

En conclusion, il est nécessaire de se préparer à l’adaptation de notre environnement naturel et bâti aux futurs changements climatiques puisque, « Les décisions prises aujourd’hui auront un impact profond sur l’ampleur des risques que les générations futures auront à gérer » (Orsenna, 2008). Il est important de prendre en compte l’ensemble des conséquences du changement climatique, notamment celle de la gestion de l’eau dans la ville. Cet essai permet de stimuler la discussion puisqu’il examine les possibilités d’aménagement du territoire afin de favoriser le développement d'une ville plus résiliente, avec une attention particulière à la capacité de gérer l'eau de manière plus efficace sur le plan stratégique. Il examine les principes qui influencent une ville plus résiliente aux dangers de l'eau et discute de la possibilité de l'aménagement du territoire à avancer vers cet objectif. Il faut pour ce faire s’ouvrir à de nouvelles mentalités et tenter de rééquilibrer le rapport entre l’homme et la nature comme le préconise Rogers. Nous devons également lutter contre les problématiques auxquelles nous aurons à faire face. La déconnexion progressive entre les villes et leur environnement devrait également être revue, comme le mentionne White, puisque ces villes sont les bénéficiaires principales des risques liés au climat, et que l'urbanisation de celles-ci crée à la fois une demande en eau et une réduction de la capacité d'infiltration de l’eau.

En somme, l’architecture doit répondre aux besoins changeants de la société́ d’une façon ou d’une autre. L’architecture durable pourra alors se matérialiser lorsque besoins et économie s’accorderont dans une même voie. Cette durabilité́ se verra dans la forme architecturale ainsi que dans la construction de bâtiments sensibles aux objectifs environnementaux et aux besoins sociaux économiques. La question est, à quelle vitesse verrons-nous ce changement et sera-t-il fait à temps pour permettre le rééquilibre de notre environnement ?

​Figure 1 : Schéma d’aménagement de la rue Vine, (Growing Vine Street, novembre 2004)

 

L’une des principales caractéristiques du projet Growing Vine Street consiste à capter les eaux de ruissèlement local et créer un véritable bassin versant qui permet l’écoulement naturel de l’eau vers la baie de Seattle. Le projet propose un aménagement à même la rue, permettant de traiter les eaux pluviales par biofiltration et réduire la charge du réseau de récupération de la ville. Growing Vine Street représente un projet urbain de quartier qui démontre les avantages d’une intégration réfléchie de l’environnement bâti aux défis de la gestion des ressources en eaux dans la ville tel que soutenu par White.

Le traitement de l’aménagement paysager dans le projet joue un rôle essentiel comme mesure de contrôle de la qualité et d’atténuation de l’eau, mais également dans le traitement de la qualité de l’air ambiant et comme consolidation de la communauté du quartier. Le projet propose l’intégration de réservoirs annexés aux bâtiments permettant de recueillir l’eaux des toitures qui coule dans des tuyaux de descente sur la paroi extérieure des bâtiments (Voir fig.2). Ces tuyaux se divisent pour alimenter les réservoirs et créer des petits jardins verticaux à même les tuyaux de  récupération (Voir fig.3). L’eau récupérée sert principalement à alimenter les rigoles, les jardins et une série de bassins ou pour une utilisation ultérieure comme eau d’arrosage. Le projet présente des interventions dans la ville permettant de reconnaitre l’eau comme une ressource importante pour la ville et dans la ville. Le projet se donne comme mission d’encourager la reconnaissance de l’eau comme partie intégrante de nos vies et de valoriser une meilleure utilisation de cette ressource précieuse.

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